Info. 2022/05/07 久石譲フランス公演 現地インタビュー(Web Téléramaより)

Posted on 2022/05/07

5月4日~8日「HISAISHI SYMPHONIQUE」久石譲コンサートがフランスのストラスブールとパリで開催されました。オール久石譲プログラムです。共演はストラスブール・フィルハーモニー管弦楽団。また、これらの公演は2020年9月12,13日(当初予定)の延期公演もふくまれます。

それにあわせた現地インタビューになります。原文そのまま紹介します。ウェブ翻訳機能を使ってお楽しみください。

 

 

Joe Hisaishi : “Pour composer ‘Princesse Mononoké’, Hayao Miyazaki me donnait parfois des poèmes”

Stéphane Jarno
Publié le 06/05/22 mis à jour le 07/05/22

 

Adulé pour ses BO pour le Studio Ghibli, le compositeur japonais achève une tournée française triomphale à la Philharmonie de Paris avec un week-end consacré à ses œuvres pour le cinéma et au-delà. Entretien avec le maestro.

Joe Hisaishi conjugue sa vie de compositeur au présent de l’indicatif. Un peu de futur parfois quand il évoque ses projets, mais jamais de passé. « Ce qui est fait, enregistré, derrière moi, ne m’intéresse pas, assure-t-il. Je ne réécoute jamais les partitions que j’ai écrites pour le cinéma. » Alter ego musical de Hayao Miyazaki dont il a signé toutes les musiques de films depuis Nausicaä de la vallée du vent, en 1984, le maestro a aussi longuement accompagné Takeshi Kitano (Sonatine, L’Été de Kukijiro, Hana-bi, A Scene at the Sea…) et bien d’autres réalisateurs nippons ou occidentaux.

Au total plus de quatre-vingts partitions, des centaines de thèmes dont plusieurs sont devenus des standards et même des hymnes pour les générations qui ont grandi en sirotant les films du Studio Ghibli. Adepte du « work in progress » et bourreau de travail patenté, Hisaishi reprend sans fin ses compositions pour le cinéma. Il adore plus que tout transformer cette musique fragmentée en suites symphoniques, lui apporter rythme, sens et cohérence. Témoin, le programme concocté pour cette mini-tournée française entamée mercredi avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg dans la capitale européenne, et qui s’achève par trois concerts à la Philharmonie, vendredi, samedi et dimanche, une salle qu’il apprécie particulièrement et où il n’est pas revenu depuis plus de trois ans. Comme à Strasbourg, les concerts affichent complet, les billets se sont arrachés en quelques jours il y a déjà plus de six mois !

Les heureux spectateurs découvriront une version incroyablement fraîche, tout en pizzicato, du thème de Ponyo sur la falaise, ainsi qu’une impressionnante version de la suite symphonique adaptée de Princesse Mononoké. Un concentré de frissons et d’émotions à fleur de peau pendant plus de trente minutes. Ces succulentes madeleines cinématographiques sont précédées de la création française de sa deuxième symphonie, une œuvre où s’enchevêtrent mélodies minimalistes, percussions et grands mouvements d’orchestre.

 

Pourquoi mélanger dans le même programme votre musique pour le cinéma et vos compositions originales ?

Je n’ai pas d’enfants préférés. À mes yeux, ces deux aspects de mon travail sont aussi importants l’un que l’autre. Quand j’écris des pièces personnelles, au bout d’un moment le travail avec les réalisateurs – l’interaction autour d’un projet commun – me manque, et vice versa. Je trouve mon équilibre dans ces allers-retours. J’ai développé une troisième activité : la direction d’œuvres classiques avec notamment le New Japan Philharmonic Orchestra – créé par Seiji Ozawa – et d’autres formations symphoniques. Ces derniers mois, j’ai dirigé La Symphonie fantastique, de Berlioz, la septième de Prokofiev, ainsi que son concerto pour double piano, les Tableaux d’une exposition, de Moussorgski, et j’en passe ! Je reçois beaucoup de demandes notamment des États-Unis, mais gérer ces trois activités au quotidien, avec le niveau d’exigence que chacune suppose, me prend tout mon temps et mon énergie.

 

Vous ne dites jamais non ?

Quand vous faites appel à quelqu’un, c’est que vous lui faites confiance. J’apprécie beaucoup ces marques de reconnaissance. À moins que ces propositions ne soient complètement farfelues, je fais en sorte de les accepter toutes.

 

Avez-vous le temps d’écrire pour le cinéma ?

Oui bien sûr, mais c’est plus compliqué qu’auparavant. Le milieu du cinéma est très changeant aujourd’hui. J’ai envie d’écrire des partitions construites sur des modèles symphoniques, mais cela devient quasi impossible. Studios et réalisateurs veulent au contraire des BO très découpées, très fonctionnelles. Je m’adapte de mon mieux à ces nouvelles contraintes.

 

Vous retravaillez beaucoup vos compositions, vous les présentez souvent dans de nouveaux formats, de nouvelles orchestrations. Êtes-vous un éternel insatisfait ?

La musique, les œuvres ne doivent jamais être figées ou alors elles sont mortes. Pour être jouée en concert, la musique que j’ai écrite pour le cinéma nécessite d’être adaptée, et c’est une activité que j’aime beaucoup. Les dix ou onze partitions que j’ai composées pour les films de Hayao Miyazaki sont ainsi toutes devenues des suites symphoniques. Ce ne sont pas juste des compilations de thèmes, mais des œuvres cohérentes, construites dans la durée et conçues pour être jouées devant un public. Prokofiev et Schoenberg, qui ont eux aussi écrit pour le cinéma, faisaient la même chose. Tchaïkovski composait beaucoup pour le ballet – qui était un peu le cinéma avant la lettre, un grand divertissement populaire – réécrivait ensuite sa musique pour la jouer en concert. Il arrive souvent aussi qu’en exécutant certaines pièces pour la première fois en public de nouvelles idées d’arrangements me viennent pour les concerts et enregistrements à venir.

 

La version concert de Princesse Mononoké est particulièrement saisissante. Vous souvenez-vous des circonstances dans lesquelles vous l’avez composée à l’époque ?

À vrai dire, pas très bien. C’était ma sixième collaboration avec Hayao Miyazaki. J’ai débuté dans la musique de film grâce à lui, en 1984. Il cherchait des compositeurs pour son deuxième film, Nausicaä. Isao Takahata [1935-2018, réalisateur et cofondateur du Studio Ghibli, ndlr] m’a recommandé, j’ai fait des essais, il m’a choisi, et le film a eu le succès que vous savez. Pour Princesse Mononoké, comme pour tous ses autres films, j’ai d’abord composé un « image album », des musiques faites pour donner l’ambiance du film et inspirer son équipe. Pour ce faire, il me donne des indications, des petits textes, parfois des poèmes. Ensuite, bien des mois après, une fois que le story-board a avancé, nous avons des réunions de travail où il exprime des envies plus précises sur des séquences et ensuite je compose de nouvelles musiques qui deviendront la partition du film. Pour Mononoké, il m’a donné des livres à lire pour m’imprégner de l’ambiance et des croyances du Japon médiéval, ce qui a orienté mes choix musicaux vers des instruments et des sonorités traditionnelles.

 

Beaucoup de spectateurs viennent à vos concerts pour revivre et partager les émotions qu’ils ont éprouvées devant les films de Miyazaki. Comment expliquez-vous ce succès dans la durée ?

Les films de Hayao Miyazaki sont principalement des histoires fantastiques comme Nausicaä ou Princesse Mononoké, mais il y a toujours des thématiques sous-jacentes qui exposent des problèmes sociaux et politiques. Et évidemment toujours en résonance avec ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui. Dans tous ses films, il y a de la beauté, de l’émotion, de la poésie, mais aussi un arrière-plan plus sérieux. C’est pourquoi son œuvre est aussi marquante et importante.

 

Où en êtes-vous de votre collaboration avec lui ?

Je vais composer la musique de son prochain film, c’est officiel, mais comme le projet a pris beaucoup de retard avec la pandémie, je ne peux guère vous en dire plus.

 

Votre itinéraire est singulier : vous êtes passé de la musique minimaliste aux compositions pour le cinéma et aujourd’hui vous dirigez des œuvres du répertoire ! Quel regard portez-vous sur votre carrière ?

J’ai toujours suivi une seule voie, il y a une unité dans ce que je fais. Quand je programme un concert, je fais en sorte de combiner des œuvres comme la première symphonie de Gustav Mahler avec mes propres créations, ou bien avec des œuvres de Philip Glass et John Adams. J’apprécie particulièrement les rythmes et les pulsations compliqués de ces pièces contemporaines, car ils permettent une approche différente du répertoire classique. Quand elle est jouée ainsi, la première symphonie de Mahler prend d’autres couleurs, sonne différemment, révèle d’autres aspects. C’est une voie qui me passionne et que j’explore depuis des années.

 

Ce ne doit pas du tout être évident pour des formations symphoniques !

Oui, tout le monde est perturbé (rires) ! D’autant plus que je change aussi l’agencement habituel des musiciens et que j’étoffe souvent les effectifs des cuivres, des contrebasses et bien sûr des percussions. Il y a trop de distance entre le chef d’orchestre et les percussions dans les formations traditionnelles, au moins quinze mètres ! On perd quelque chose, il est difficile d’être vraiment ensemble. Des formations contemporaines comme le London Symphony Orchestra et le Los Angeles Philharmonic ont aboli cela. Dans ces orchestres, tout le monde ressent les mêmes pulsations, tous les musiciens sont traversés par le même rythme. À mes yeux, le futur de la musique classique passe par là.

 

À écouter
Hisaishi symphonique, à la Philharmonie de Paris. Avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Les 5, 6 et 7 mai (Concerts complets). Le concert du samedi sera diffusé en direct sur Arte TV et disponible en replay pendant douze mois.

Rencontre avec Joe Hisaishi, samedi 7 mai à 19 heures à la Philharmonie.

 

出典:Joe Hisaishi : “Pour composer ‘Princesse Mononoké’, Hayao Miyazaki me donnait parfois des poèmes”
https://www.telerama.fr/musique/joe-hisaishi

 

 

 

 

 

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